Aujourd’hui, jeudi 12 octobre 2023, a lieu la journée mondiale de la vue.
Comme je l’expliquais il y a deux ans, cette journée se déroule chaque année le deuxième jeudi du mois d’octobre. Elle a été créée par l’Organisation mondiale de la santé (OMS) en collaboration avec l’Agence internationale de prévention de la cécité (IAPB: pour International Agency for the Prevention of Blindness).
Cet évènement a pour but de sensibiliser le public et les gouvernements aux déficiences visuelles et cette année, l’accent est mis sur l’importance des soins oculaires sur le lieu de travail.
Mais c’est tout ce que je vous dirai.
Je voulais vous parler de la campagne de sensibilisation d’Eqla. Du magnifique reportage auquel j’ai participé. De toutes mes interventions dans la presse. Ma fierté. Mon émotion. Ma reconnaissance.
Mais hier, je suis rentrée dans une librairie, et j’ai subi une agression verbale d’une rare violence, en raison de mon handicap.
Et toute la violence du validisme me percuta
A midi, je rentrais donc dans une librairie pour acheter un journal contenant mon interview sur le handicap visuel invisible. Ne voyant de prime abord personne, je feuillette le papier pour trouver l’article, excitée et joyeuse à l’idée de le découvrir.
C’est alors que j’entends une voix m’apostropher au fond du magasin, me disant bonjour d’une voix – déjà – agressive et me demandant ce que je faisais. Je lui retourne son bonjour en disant que je vérifie juste quelque chose avant d’acheter le journal. Elle me réinterpelle en me demandant de venir au fond du magasin, tout en me critiquant et m’insultant de malpolie du fait que je ne lui ai pas dit bonjour.
Je lui explique dès lors que je suis malvoyante et que je ne l’avais pas vue. Et là, le ton est immédiatement monté.
Insensible à ce que je venais de lui dire, elle me rétorque qu’une malvoyante qui se déplace normalement sans « bâton » n’est qu’une menteuse. Je lui confirme ma malvoyance et lui dit que dans le journal se trouve une interview sur le sujet. Elle devient agressive et revient sur mon manque de politesse, m’arrache le journal des mains.
Je commence à m’emporter également en disant que je sais de quoi je parle, que je fais de la sensibilisation et que nous sommes en pleine campagne. Sur quoi, elle m’interrompt en me disant « qu’elle n’en a rien à foutre ».
Sidérée par cette agression gratuite, je décide de partir avant que ça n’escalade. Mais elle hurle derrière moi « C’est ça, elle est malvoyante elle alors qu’elle marche dans mon magasin comme ça ». Je me retourne et lui hurle que je me bats pour déconstruite les stéréotypes qu’elle me crache au visage, qu’elle n’y connait strictement rien.
Ce à quoi elle répond avant de me jeter dehors à coup de « casse-toi », avec tout son mépris et sa haine, que comme je suis malvoyante, son journal ne me servirait de toute façon à rien, puisque j’étais incapable de le lire.
Je me suis effondrée quelques dizaines de mètres plus loin, le souffle court, les larmes inondant mon visage. Sans aide. Sans qu’une seule personne ne réagisse à cette énième agression.
La colère qui m’anime
La violence envers les personnes déficientes visuelles, c’est ça. Je n’ai pas meilleure illustration.
C’est pour ça que je milite, que je forme, que je sensibilise. Mais parfois ça percute, c’est dur, c’est violent, c’est fatiguant.
Elles sont là, les réalités du terrain. Et on peut envoyer tous les messages positifs et inspirants que l’on veut. On peut avoir l’air autonome, pétillante, bien dans sa peau… On en chie. Tous. Les. Jours.
Et je dis « on », parce qu’en l’espace de quelques heures et suite à mon témoignage, plus d’une vingtaine de personnes déficientes visuelles m’ont dit : « J’ai vécu ça aussi ».
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