Sans vue, cent perceptions
Il y a quelques mois, j’ai participé à une exposition réalisée dans le cadre des 100 ans de l’association Eqla. Celle-ci a eu lieu de novembre 2022 à début janvier 2023 au Delta, l’Espace culturel de la Province de Namur.
Ce projet, intitulé « Sans vue, cent perceptions« , réunissait des artistes contemporains ayant réalisé, chacun, une œuvre autour des sens ainsi que 8 photographes déficientes visuelles (dont moi !).
Cette exposition, à visiter les yeux bandés, visait à sensibiliser le grand public aux difficultés rencontrées par les personnes aveugles et malvoyantes pour accéder à l’art et à la culture ainsi que proposer à ces dernières une expo accessible. Les œuvres se découvraient donc au toucher et à l’ouïe.
Ateliers photo : « Ce que je perçois, ce que tu vois »
Au cours de l’année 2022, moi et sept autres personnes déficientes visuelles avons participé à des ateliers photo aux côtés du photographe namurois Olivier Calisis.
Nous avons donc sillonné les rues de Namur et certains lieux phares de la ville, tel que la Citadelle, afin de réaliser nes clichés.
En parallèle de ces œuvres, Olivier Calisis nous a invitées à partager, en audio, notre ressenti, nos difficultés ou une description de notre photographie. Une manière de nous questionner sur la perception que nous avons du monde.
Une histoire de détails
J’ai nommé mon œuvre exposée au Delta « Une histoire de détails ». Comme vous pouvez le voir sur la photo, mon cliché, comme tous les autres de l’exposition, était accompagné d’une pancarte en thermogonflage. Ce procédé permettait de découvrir les photographies avec le sens du toucher.
Cette réalisation était étroitement liée au texte écrit en parallèle. Vous pouvez donc l’écouter et le lire ci-après :
« « Dès qu’elle fait le point dans l’objectif, ses pensées cessent de s’agiter et l’univers se tait. (…) Dans le viseur, elle voit ce qui à l’air libre lui échappe. »
Cet extrait, tiré du roman Infrarouge de l’autrice Nancy Huston, n’aurait su mieux décrire ce qu’est la photographie pour moi.
Voir ce qui à l’air libre m’échappe.
Depuis toujours, prendre des clichés est une manière pour moi d’aiguiser mon sens de l’observation, de me concentrer sur les détails, de faire appel un maximum à mes capacités visuelles et surtout, de les travailler.
Car à l’air libre, moi, les détails, je ne les vois pas. Alors quand je prends mon appareil photo, j’aime faire abstraction du brouhaha de la vie et me concentrer sur les petites choses qui m’entourent. Parfois même par inadvertance : les fleurs, les textures, les plantes et autres insectes.
Quand j’ai pris le cliché sélectionné, j’ai souhaité exposer un contraste : les détails nets mais aériens de la boule duveteuse du pissenlit, en opposition aux contours flous mais rigides du bâtiment en pierre à l’arrière-plan. Car au fond, cette image, c’est un peu la traduction photographique de ma vision : de très près, je vois, je découvre, mais dès que je regarde plus loin, tout fini par se confondre et m’échapper… »
Verdict
Bien qu’ayant eu de grandes difficultés à suivre les ateliers de photographie en raison de ma santé mentale, je suis fière d’y avoir participé et d’avoir pu observer le rendu final.
L’exposition en elle-même était très intéressante de par son concept. Certaines oeuvres étaient plus accessibles que d’autres (moi et l’art contemporain…) et certains choix m’ont déconcerté, mais in fine, je l’ai trouvée enrichissante. Ce fut un bon moment.
Si vous y êtes passé, je serais ravie de lire vos ressentis !
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